Volets fermés, fenêtres placardées, voitures soigneusement rentrées dans les garages ou planquées dans des ruelles sinueuses, et discrètes, portes fermées, chérissant leurs serrures et gardant un oeil de boeuf bien ouvert sur leurs poignées : cela ne fait plus aucun doute, c’est jour de clash, de splash, de smash, enfin bref un classique jour de match.
En cet après-midi bien particulier Casablanca célèbre donc une fête unique…et c’est la sienne !
Plutôt celui d’un sanguinaire Saigneur que de l’Éternel Seigneur, ce jour d’exception aura vite fait de marquer les esprits de ses sons, ses sceaux et ses sursauts.
Il est six heures, Paris s’éveille, certes mon cher Jacques, mais Casa, elle, s’assoupit et ne semble que péniblement s’endormir dans les bras d’un Morphée sous morphine comme poursuivant l’envers de la naissance du papillon, se renfermant dans son précieux cocon.
Tout se passe ainsi comme si Casablanca s’astreignait en fait à une sieste obligatoire durant «le rouge et le vert» du Standby.
Ce jour où Casablanca se transforme en salle omnisports d’un genre de corrida footbalistique où vous risquez à tout moment d’être le vénéré foulard rouge du taureau ou le cher dindon de la farce.
Ces jours où la pelouse du stade rase les murs et où ses larges tribunes auraient voulu ne pas être aux premières loges.
Ce jour où Casablanca se mue en décor « grandeur raclure» d’un genre de western oriental où Clint Eastwood aurait déjà tracé à l’Ouest, poursuivi par des Daltons daltoniens obsédés par un rouge et un vert qu’ils ne voient que pas assez.
Oubliez donc le charaf du cherif, en ce jour où la kourat al 9adam ne sera visiblement pas l’affaire du m9adam et sachez donc que le nombre de tours de vos serrures n’aura d’égal que celui de buts marqués et d’occasions manquées.
Car ces insupportables insupporters terrassant passants et trépassants, coupant les rues sens dessus-dessous, dans tous les sens, de l’interdit, à l’inverse, en passant par le propre et le figuré, n’auront de pitié que celle rimant avec Salpêtrière.
Rouant tout engin roulant de virulents coups francs et distribuant de généreux bâtons dans les roues de tout ce qui ne roulera désormais plus, ils défileront sur les boulevards comme une collection d’un créateur mal inspiré, embaumés des chants de ce jeu où il ne paraît y avoir que le ballon qui tourne véritablement rond.
Taclant les vitres des bus, taxant leurs chauffeurs, scrutant le moindre regard transversal, en désaccord ou en diagonale, leur heure de sortie sera celle de votre rentrée et vous vivrez aux rythmes des séismes sonores animants les cafés.
Et c’est l’irruption volcanique d’un magma verdâtre et grumeleux de supporters qui gronde car quelle que soit la couleur du carton qu’arborera l’arbitre, ils auront incontestablement dans la ville carte blanche.
À la vue apocalyptique de cette nuée insensée, encensée d’un fanatisme inversée, il semblerait véritablement que « balle qui roule amasse namouss» durant cette journée digne des plus belles sauvegardes d’un GTA version Joutiya.
Les feux tétanisés resteront donc bloqués à l’orange, et le jour de gloire sera enfin arrivé pour ces vaillants taxis rouges, les seuls à véritablement trancher dans cette drôle d’histoire.
Comme un orphelinat d’enfants sauvages débarquant au milieu de votre ville,vous tenterez de vous blottir en vain au fond du siège conducteur de votre voiture dont même l’embrayage se sera retiré telle une tortue rétractant sa tête et le frein à main aura désormais main mise sur vos manoeuvres.
Fuite d’huile pour les taxis rouges rencontrant quelques âmes enragées du raja ou pour ces feux verts croisant un petit groupe bien garni de têtes brûlées du wyDEAD, déboulant comme des boules de pétanques, dont vous seriez le malheureux cochonnet.
Gardez-vous donc de toute malencontreuse prise de position en ce jour conjointement traversé par le tropique du quiproquo et les cornes de son capricorne.
Depuis votre automobile, agitant successivement un drapeau du Raja d’une main en veillant à minutieusement planquer celui du Wydad de l’autre, vous aurez alors l’impression d’être ce genre de poule refusant paradoxalement de se mouiller continuant d’afficher des sourires tellement apeurés par la véhémence de ces supporters qu’ils en deviendraient presque sincères.
Notre drapeau national semble lui-même incapable de trancher sur la question arborant discrètement cette étoile verte noyée dans une authentique mer de rouge.
Pour les plus inconscients défenseurs de la liberté de circuler, partisans de ces grandes et profondes phrases de citoyen engagés telles que « Malna Siba flblad», sortant impavides, en ces jours de lancer de pavés, nul besoin de s’armer de courage ou de patience, une généreuse dose de lâcheté et de démagogie appliquée en anesthésie locale sur ces supporters fera l’affaire.
A l’issue de ces matchs, 4 issues radicalement distinctes s’offrent alors gracieusement à vous : si Le Raja perd, il y aura de la casse. Une seconde possibilité se distingue également: Si le Raja gagne, il y aura, là par contre, de la casse. Autrement différente, s’il y a match nul, il y aura cette fois-ci de la casse. Enfin, si le match est annulé, il y aura bel et bien de la casse.
Aussi sûr donc que deux et deux font quatre, et que « un partout» fera très mal, les possibilités sont donc tout à fait diverses.
Comprenez donc que le seul véritable terrain, d’entente cette fois-ci, serait celui consistant à penser qu’à ce degré exceptionnel de nervosité et de tension, quelques soient leurs confessions, convictions et autres traumatismes sportifs, tous ne verront plus que rouge.
À la fin de cette courte journée de vie, ils auront alors bien réussi à élargir la surface de réparation et c’est d’un bon coup de ciseau, que vous aimeriez alors entendre ce « coupez ! on ne la refait jamais.»
Asmaa El Arabi
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