Hammam( n.m sauf Hammam mixte ), se dit de ce lieu de suffocation volontaire où le
décharnement des uns sera l’objet de l’acharnement des autres.
Un
genre de relique d’un esclavagisme moderne et volontaire où tout semble avoir
été minutieusement fait pour que vous restiez persuadés que ces personnes qui
s’acharnent à décharner votre peau sont les vestiges des derniers suppliciés d’un genre de mythologie greco-hammam.
C’est
à croire que le directeur artistique de cette super-production Sabounebeldyenne
s’est astreint à donner à ce lieu des airs d’authentiques thermes romains et
l’efficacité de ces allers-retours sur l’autoroute de votre corps à coup de (
tararararara ) KISS se chiffrera à la sueur de votre front...et à la longueur
de ces spaghettis al dente dont le Kessel ne fera qu’une bouchée.
Vêtues
de Marcels dont ils ne gardent de l’allure que le nom et de Cerdan, la vigueur
qui fera serrer les vôtres, ces hommes et femmes dévoués à cette mono-activité
de décapage pratiqueront sur vous le massage façon déboîtement de l’épaule à
mort-veille.
De
quoi vous inspirer un genre d’« Indignez-vous» version Stéphane Kessel...
Et
parce que ce nom générique se conjugue également au féminin, vous aurez pour
vous servir, Mesdames, deux principaux types de Kessalates.
D’un
côté, ces genre de catcheuses qui n’évoluent qu’en milieu aride, les stars du
Ring, celles au physique mêlant des allures de Rambo et d’Hagrid, et de l’autre
celles restant aux vestiaires sur les bancs de touche, reprenant leur souffle
après avoir aspiré le vôtre, bouteille d’eau fraîche à la main et serviette de
Mohammed-Ali au cou, surveillant celles qui voudraient prendre leurs jambes au
leur.
Durant
cet instant plus de crasse que de grâce, je ne dois la mienne qu’aux mouvements
artistico-contempourri que mon bourreau m’oblige à exécuter, et c’est ainsi que
vous vous découvrirez des talents cachés de contorsionnistes et autres talons
d’arthrose et d’un Achille fantaisiste.
Et
vous vous convaincrez que l’on pourrait
tout à fait avoir le haut du corps étendu sur le ventre, les jambes
allongées sur le côté tout en conservant le coude de son bras droit tourné vers
le haut, et les pieds sur Terre.
Elle
ont du pain sur la planche, et vous aurez l’impression d’être celui à pétrir...
Jouissant
ainsi du syndrome de Stockholm le plus caniculaire jamais entendu, vous vous
délecterez donc étrangement de ces phrases classées Reines du temple de la
familiarité-promiscuité telles que « Ah, ah, ah, ch7al kenti mousskha a khti»
ou encore « Ou tgoul wash bgha y khrouj lik loussekh».
Et c’est au compte-goutte que les secondes de
la peine à laquelle je goutte s’égouttent, animant ainsi le cycle infernal
d’une sueur qui se confond à la condensation, des vapeurs des corps aux plafonds,
puis à nouveau de leurs hauteurs aux bas fonds.
Vous
y découvrirez aussi, un capitalisme réinventé ou la propreté a donné lieu à une
forme entièrement nouvelle de propriété : celle du sceau dans lequel vous ferez
couler cette eau, qui en cas de conflit d’appartenance prendra bien quelques
heures à passer sous les ponts.
Et
c’est un sursaut d’effroi que causera le sceau de la moindre main étrangère
posée sur votre seau, le Saint Staal, créateur de conflits depuis 1876 et qui risquera de vous coûter quelques mèches.
Et
bien qu’on ne puisse pas réellement évoquer un quelconque sens de la pudeur
dans ces lieux seins, son peuplement aspire cependant après rinçage à être le
digne héritier d’un genre de néo-race aryenne version 3aryenne.
Et certes minimalistes, les codes dé-vestimentaires restent tout de même
stricts. Car ici dans cette contrefaçon d’une plage de Copacabana version
Copasandala, seules autorisées les charenthèses-ventouses Del mika, celles qui
couplées à quelques gouttes d’eau vous joueront les plus beaux airs de
Beethoven ou de Daoudia.
La complicité prendra ainsi la forme du compagnon qui vous frottera le dos avec la plus grande sincérité.
Que
dire enfin, de l’indice de base de classement des Hammams, peut être l’une des
dernières perles de l’absurdité : le manque plus ou moins drastique en oxygène.
Comme
cette pièce, l’ennemi juré de toute chambre froide, celle constituant le
dernier degré de raréfaction d’air niveau Kilimandjaro, dédiée aux as et des as
qui s’y enfer-ment et apparemment aussi aux
poissons à branchies.
Et
si l’oxygène ne circule plus, les ragôts se feront, eux, un plaisir de vous
faire le tour du propriétaire...et des locataires du quartier et les cheveux
continueront de danser parterre, portés par courants d’eau et courant d’air,
du nature, au henné en passant par le néo-méché.
Vous les croiserez à tous les coins de rue, ces adeptes du Hammam, seuls et uniques citoyens à avoir la légitimité absolue de sortir avec le kit peignoir sur les épaules, serviette sur la tête et seau à la main. Ils ne sont qu'une centaine dans tout le Maroc à jouir de la patente officielle.
Et
si ces airs de lavoirs d’antan vous chatouillent l’esprit, sachez que les
risques de Zona dans ces eaux-là
éclipseront très vite ces esquisses de descriptions aux allures de Zola...au
Bonheur de ( ces ) Dames.
Asmaa El Arabi